Et si ce n’était pas que de la paresse ?

Article : Et si ce n’était pas que de la paresse ?
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11 juillet 2016

Et si ce n’était pas que de la paresse ?

En classe de 3ème j’ai raté la moyenne pour la première fois de ma vie au premier trimestre. Et devinez quoi? Ma chère et tendre mère m’a amené consulter un médecin et j’en suis repartie avec une ordonnance. J’en étais là première surprise. Je trouvais vraiment que la réaction de ma mère était très très exagérée. Et pourtant… Je vous explique donc le contexte avant de vous dire le pourquoi du comment de cette « fameuse ordonnance ».

Mes deux parents étaient professeurs du secondaire, mon père professeur d’Histoire-Géographie et ma mère professeure de Sciences Naturelles. Je suis la benjamine de notre grande famille. J’ai fait mes études secondaires dans le lycée fondé par mon père, de la 6ème à la Terminale. Pour beaucoup j’étais « la fille du Directeur » du Lycée de la Jeunesse, devenu maintenant les Écoles Internationales Adama Abdoulaye TOURÉ (EIJ/AAT). Pour moi et ceux qui me connaissent j’étais juste une adolescente dans un lycée, avec un peu de pression en plus. Lycée dans lequel travaillaient mes deux frères (maintenant Directeurs), mon père étant à l’époque le Directeur. J’avais l’envie et volonté de faire de mon mieux et de les rendre fiers mais sous des centaines d’yeux qui scrutaient mes faits et gestes de petite fille.

Je ne pouvais pas plaire à tout le monde et ce n’était pas du tout mon but. Mon but à moi était qu’à aucun moment quelqu’un ne puisse se permettre de manquer de respect à mon père ou à ma famille à cause de mon comportement. Certains élèves et professeurs profitaient parfois de ma présence pour faire passer leurs messages de mécontentement ou leurs doléances à qui de droit : nous sommes en démocratie et à chacun son canal de communication…

Ça vous forge un caractère tout ça. J’ai appris à être humble mais aussi à me défendre quand c’était nécessaire mais toujours dans le respect. A part ça j’ai eu une scolarité normale et plutôt épanouie et j’ai fait de mon mieux pour être le plus correct possible durant cette période et, si ce n’est pas le cas, prière d’excuser la petite fille que j’étais.

Mon père lui, passait chaque trimestre dans chaque classe pour distribuer les « tableaux d’honneur » aux plus méritants et tous les résultats étaient publiés sur un tableau à la vue et au su de tous. Les 3 premiers avaient même l’honneur de voir leurs noms publiés dans un journal national. « Chacun récoltait ce qu’il avait semé », dixit mon père.

Pendant toute ma scolarité j’ai toujours été parmi les 3 premiers dans chaque classe et j’ai été souvent 1ère et malgré tout mon cher père marquait sur mes bulletins « Peut mieux faire! « . Et moi de lui dire « je suis 1ère, qui veux-tu que je dépasse ? » et il me répondait « toi même! ». Ou, lors de ses passages trimestriels dans les classes en me remettant le tableau d’honneur, il demandait aux autres : « c’est elle votre première (en parlant de moi)? C’est normal : au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ». Fier malgré tout de moi, je le sais…

Il était très très moqueur mais surtout très pédagogue et ne m’a frappé qu’une seule fois de toute ma vie (et pas pour mes notes) et je pense qu’il a eu plus mal que moi le pauvre. Il prônait toujours la valeur du travail bien fait. Que l’on soit intelligent ou pas, pour lui, quand on travaille on peut tout réussir.

Au deuxième trimestre de ma 4ème, j’ai eu des problèmes cardiaques et tout effort physique prolongé m’était complètement interdit. Interdiction donc de pédaler mon beau vélo vert pour aller à l’école. Fatigué de m’y conduire tous les jours jusqu’à la fin de l’année scolaire et désireux de me redonner plus d’autonomie, mon père m’a fait confiance et m’a acheté, à la rentrée de la 3ème (rentrée scolaire 2000-2001), ma moto, une « Ninja » noire : le top à l’époque ! En général la moto était le cadeau offert après l’obtention du BEPC mais maladie oblige…

Qu’elle ne fut donc pas sa surprise quand un samedi midi, je suis passée « gaillardement » (dixit mon père) devant lui et à sa question « tu as eu qu’elle moyenne ce trimestre ?« , je répondais « 8,74« . Il le savait mais tenait à l’entendre de ma bouche. Je venais de rater la moyenne pour la première fois de ma vie. Mon père était très énervé non pas que par ma moyenne mais par ma désinvolture affichée. Certains professeurs se sont faits le plaisir de lui dire que c’était à cause de la « moto » que je n’avais pas eu le temps de mériter selon eux. Pauvre Ninja!

C’est là que mon exceptionnelle mère entre en jeu. D’habitude plus ferme et beaucoup plus sévère que mon père, elle a été la première pourtant à le calmer et à lui demander de la laisser prendre le relais sur ce coup. Elle était convaincue que j’avais un problème et comptais bien le prouver à tous. Comme mon père c’est mon comportement qui l’a interpellé. J’avais raté la moyenne et le problème est que ça ne semblait pas du tout m’affecter, mais vraiment pas le moins du monde. J’étais d’une sérénité surprenante et inquiétante. Aucune insulte ne semblait me toucher.

Ma mère a dû donner comme conseil à toute la famille de ne pas me parler de ma moyenne et de la laisser me gérer parce que je n’ai plus eu aucune remarque de qui que ce soit après le sermon de mon père. Voilà comment nous nous sommes retrouvées toutes les deux devant notre médecin de famille qui me demande « alors Fatim, qu’est qui ne va pas? «  et moi de répondre en souriant « je vais très bien tonton » et ma mère de répondre « elle ne va pas bien, elle est malade! ».  Donc rater la moyenne est une maladie ??? Je m’efforçais vraiment de ne pas éclater de rire. Le médecin, après nous avoir bien écouté (surtout ma mère), nous a prescrit des examens de sang à faire et m’a remis une ordonnance pour des vitamines. Pour moi, c’était un vrai film comique tout ça.

Résultats de mes examens : carence en magnésium (élevé), en fer et en calcium. Ordonnance donc de mon cher oncle de médecin : cure de magnésium et autres minéraux et nutriments sur 6 mois. A la lecture d’une des notices de mes médicaments, à la partie « Dans quels cas utiliser ce médicament » je découvre avec stupéfaction :

– changement d’humeur 

– baisse de la rentabilité scolaire

– irritabilité soudaine 

– etc.

Y a donc bel et bien des médicaments pour ça ??? Je venais de l’apprendre…

Sous la surveillance de ma mère j’ai donc commencé mon « traitement ». Résultats : 2ème trimestre j’ai eu un peu plus de 10 de moyenne, au 3 ème trimestre 12,20 et j’ai réussi à mon BEPC du premier coup, avec un peu plus de 12 moyenne aussi.  J’étais guérie ! Et ma mère de dire à tous « Voilà! Je vous avais bien dit qu’elle avait un problème ».

Pendant cette année scolaire mouvementée j’ai décidé, à la grande joie de ma mère, de ne pas participer aux activités culturelles du lycée pour me concentrer sur mon examen et aussi éviter tout effort démesuré. Mon père l’ayant appris m’a dit ceci : « si faire un ballet va t’empêcher d’avoir ton BEPC c’est que tu ne devais pas l’avoir. Dans ta vie tu seras amenée à gérer beaucoup de choses en même temps et il faudra pouvoir le faire. Travailler c’est bien mais les loisirs aussi sont importants. Donc tu feras deux ballets et tu auras ton BEPC. Débrouille-toi ».

Ma mère m’a aussi dit plus tard ceci, et c’est la seconde grande leçon que j’ai retenu de cette période : « ta baisse est due à des carences cette fois, c’est vrai, mais ça t’aura aussi appris que tu peux rater la moyenne, que tu peux échouer et c’est bien. Dans la vie on ne gagne pas toujours, tu peux aussi tomber ou faiblir, l’essentiel est de savoir que ça peut t’arriver et de pouvoir te remettre en question pour mieux te relever ».

Effectivement j’avais des carences sévères et aucune insulte, aucun mot assez dur, aucune gifle n’auraient pu insuffler du magnésium ou du calcium dans mon corps. Ce n’était pas de la paresse, c’était une carence en minéraux essentiels. Fallait le savoir… Pensez y au cas où vous remarquez un changement de comportement soudain, une baisse de la rentabilité scolaire ou professionnelle chez vous ou chez votre enfant. Les causes peuvent être autres, elles peuvent aussi n’être qu’un manque de magnésium! Observez vos enfants, communiquez avec eux, consultez si vous avez un doute,  ou mieux : si vous avez l’intuition que quelque chose ne va pas.

Je n’aurais jamais assez de mots pour remercier mon incroyable mère pour tout. Elle qui comme une lionne se bat pour chacun de ses enfants et fait de chacun de nos combats et de nos victoires les siens. Elle qui est le socle et l’énergie de cette famille. Elle aura 72 ans cette année 2016 In Shaa Allah et nous prions Dieu pour qu’elle reste à nos côtés le plus longtemps possible dans la santé et le bonheur. Je me ferais un plaisir de faire un article complet sur cette femme extraordinairement forte mais profondément humble.

Merci à mes parents pour ces valeurs inculquées et MERCI à maman de me connaître mieux que moi même!

Tim

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires

Mawulolo
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En tout cas, les enseignants ont cette habitude de suivre leurs enfants de très (trop??) près pour les études

Tim
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Effectivement! Déformation professionnelle